Tout d’abord, elle fait fidu traumatisme véritable provoqué par de véritables situations d’inceste45. Demy met constamment en scène le regard narcissique du soi contemplant son reflet et le regard voyeur d’autrui, aucun des deux n’occupant une position stable d’objet ou de sujet dans le film, comme nous allons le voir. Mais il souligne aussi le rapport qu’elle entretient avec son image. Le cinéaste ajoute encore aux incompatibilités des rôles genrés traditionnels que les femmes étaient censés jouer en juxtaposant la belle princesse et son alter ego, Peau d’âne, qui se fait domestique jusqu’au bout en lui lisant la recette du « gâteau d’amour », en balayant la maison et en faisant le lit. du danois par Patricia MacAndrew et Per Avsum, Copenhague, Glydendal, 1986, p. 73). C’est particulièrement évident dans la scène où la princesse exécute l’ordre de préparer un gâteau pour le prince transi d’amour. cit. Merci, nous transmettrons rapidement votre demande à votre bibliothèque. 56L’idée d’une Marie-Antoinette comme œuvre d’art et comme spectacle revient dans plusieurs autres scènes. Quand la fée des Lilas affirme avec tellement de détachement que l’inceste est une question « de culture et de législature », elle dénaturalise fondamentalement la prohibition de l’inceste qui ne représente pas pour ces personnages un tabou profondément ancré, source de honte et de culpabilité. 82, no 2, 1998, p. 199-208. Selon cet auteur, « la normalité se fait passer pour naturelle ; la perception gay de la superficialité littérale de la normalité a pour effet de dénaturaliser le normal. Lorsque les nains rentrent chez eux, elle les oblige à se laver avant de manger, dans une scène assez drôle. Leur image est un pouvoir car, alors même qu’elles semblent absorbées par des questions frivoles, elles exercent sur les hommes et leur univers un pouvoir étrange. L’association de la princesse du film avec les bêtes, lorsqu’elle revêt la peau d’âne, suggère qu’elle aussi – tel père, telle fille – possède des désirs bestiaux (non humains, non normatifs)32. Mon enfant, on n'épouse jamais ses parents ! Le miroir joue un rôle capital dans la construction du soi comme spectacle, non seulement par sa fonction complice dans l’élaboration du soi en œuvre d’art, mais aussi par sa capacité à esthétiser les objets qui s’y reflètent. Tandis que la première version de 1838 évoque indirectement une affection incestueuse ou, du moins, suggère que la fille aime trop son père (peut-être à cause d’un excès d’attention de la part de ce dernier), les modifications contenues dans la version de 1863 atténuent encore davantage toute allusion de cette nature. S’inscrivant dans cette lignée, Capellani mêle au conte de Perrault des éléments empruntés au Peau d’âne d’Émile Vanderburch (ou Vanderburck), Laurencin et Charles Clairville, féerie du music-hall populaire. 81 Pour sa part, Baudelaire considère la femme comme l’opposé du dandy : « La femme est le Contraire du Dandy. L'histoire est encadrée de deux fugues, l’une en ouverture, l’autre en clôture. Qu’il s’agisse de la Peau d’âne ostracisée qui embellit sa modeste demeure ou de Marie-Antoinette s’inventant un monde imaginaire au Petit Trianon pour échapper aux contraintes de la cour, les films-contes de fées de Jacques Demy mettent effectivement en scène une transcendance de cet ordre. 29Certaines incongruités deviennent visibles par le simple transfert de l’image sur l’écran. 59Que Demy ait doté sa Marie-Antoinette de qualités empruntées à la princesse et à la fée des Lilas révèle son intérêt pour le soi comme œuvre d’art. Tandis que le film condamne implicitement l’aveuglement complet de la souveraine à l’égard de l’état de la France et des vrais paysans, Demy a de la sympathie pour la Marie-Antoinette œuvre d’art et artiste qui, étouffant à la cour, se crée un petit paradis à propos duquel elle déclare : « Je pourrais rester éternellement assise ici à contempler la beauté. « Peau d’âne » a été réédité plus de soixante-dix fois de 1850 à 1900, dans des anthologies de contes de fées et, moins souvent, sous forme de récit individuel10. ». » Deneuve est en couverture du numéro du 30 avril 1968 de Look. Voir, par exemple, C. Lévi-strauss, Les Structures élémentaires de la parenté, Paris, Mouton, 1967, p. 3-29. 21 Demy affirme : « Je voulais différencier les deux châteaux : d’un côté, le sang royal, le sang bleu, conservateur ; et de l’autre cette espèce de prince un peu révolutionnaire et tout cet univers rouge » (cité dans J.-P. Berthomé, op. 27Il est néanmoins possible de comprendre la légèreté avec laquelle Demy aborde l’inceste à la lumière de la « dénaturalisation du normal », pour reprendre l’expression de Richard Dyer. Il est possible de prendre les propos de Demy pour argent comptant et d’accepter que la princesse voulant se marier avec son père soit « innocente ». Affolée, la princesse court chercher conseil auprès de sa marraine, la fée des Lilas. Une princesse, conseillée par sa fée, refuse l’amour de son père en fuyant cachée dans une peau d’âne, qu’elle quitte parfois quand elle est seule dans sa cabane. Liberté artistique et satire grotesque. Elles ont pour fonction de dénaturaliser les perceptions conventionnelles de la « réalité », y compris la sexualité. Plus encore que ses prédécesseurs du XIXe siècle, Disney place au premier plan de son Blanche-Neige et les sept nains les notions de domesticité et de famille nucléaire. Puis, Marie-Antoinette, Lady Oscar et Madame de Polignac tournent toutes les yeux vers Fersen dont elles admirent la beauté. Cette scène mêle scatologique et signes de richesse, fonctions basses et hautes, déchet et gain. En tant que telle, la fée des Lilas est l’incarnation de l’aphorisme d’Oscar Wilde : « Sur toutes les questions sans importance, l’essentiel c’est le style, non la sincérité. 70 Mary Vidal, Watteau’s Painted Conversations, New Haven, Yale University Press, 1992, p. 188. Ce qui semble « naturel » dans la version textuelle du conte – une princesse magnifiquement vêtue traversant la forêt – prend à l’écran l’apparence d’une juxtaposition maladroite et improbable de la « nature » (les bois) et de la « culture » (la robe élégante et encombrante). Dans cette scène, la princesse qui désire son père est présentée comme amorale. Amour, Amour, n'est pas bien sage Quand il a vécu trop longtemps le cœur content L'amour à la moindre anicroche s'effiloche Au clou du souvenir s'accroche L'amour se meurt avec le temps Amour, Amour, je t'aime tant Amour, Amour, je t'aime tant J'ai cru que j'allais casser ma télé à force d'entendre "amour, amour je t'aime tant !" Avec nonchalance, la fée des Lilas lui explique en chantant que les filles ne sauraient épouser leur père : c’est une question « de culture et de législature ». sur la cabane de Peau d’Âne. cit., p. 139-164) que Perrault critiquait les mondaines et proposait un modèle de vie de famille bourgeoise, par lequel il assignait aux femmes les rôles de mère et d’épouse, mais pas de mondaine soucieuse de sa personnalité. » Une telle déclaration implique que le soi devienne spectacle, s’offre au « regard du public », pour reprendre les termes de l’Oxford English Dictionary, « comme objet (a) de curiosité ou de mépris, ou (b) d’émerveillement ou d’admiration. Défi 13 janvier. En revisitant ce conte de l’inceste, Demy représente le désir queer d’une manière qui dénaturalise le normal et remet en question les oppositions constitutives de l’ordre sociosexuel de la France de l’après-guerre. En dépit de l’apparente naïveté de la déclaration du cinéaste, déjà citée, selon laquelle le film ne serait que l’histoire de l’amour d’une fille pour son père, Demy situe ici Peau d’âne au sein d’un mouvement cinématographique plus vaste qui bouleverse non seulement les conventions esthétiques traditionnelles, mais aussi les normes hétérosexuelles. […] La sexualité non normative avait été déjà été représentée dans la pièce Orphée (1926), l’inceste allait l’être dans son roman Les Enfants terribles (1929) ; l’inceste, la bisexualité et l’homosexualité dans La Machine infernale. Steven Bruhm résume la position de Freud en termes crus : « L’homosexuel masculin […] peut à la fois s’identifier au père et le désirer, ce qui conduit au malaise initial, décrit par Leo Bersani, selon lequel nous pourrions simultanément désirer être le père et désirer baiser le père ; dans le même temps, l’homosexuel masculin peut s’identifier à la mère par désir pour elle et adopter ainsi l’“axe négatif” consistant à désirer avec elle le phallus40. Playlist . »Chanson de la fée des Lilas à Peau d’âne1. Car, en France, même dans les éditions destinées aux enfants, le thème de l’inceste est maintenu et ce conte connaît une grande diffusion9. Vérifiez si votre institution a déjà acquis ce livre : authentifiez-vous à OpenEdition Freemium for Books. Intéressé par le genre du conte de fées en général, Demy était tout particulièrement captivé par cette histoire d’inceste, thème récurrent dans d’autres de ses films, comme Parking, version du mythe d’Orphée dans laquelle Hadès (Jean Marais) est l’époux de sa nièce, Claude Perséphone (Marie-France Pisier), et Trois places pour le 26 où le personnage d’Yves Montand, incarné par lui-même, couche avec Marion, interprétée par Mathilda May, dont il ne sait pas qu’elle est sa fille4. Gersaint est le fournisseur des accessoires de la mise en scène aristocratique. 80 « Le Dandy doit aspirer à être sublime, sans interruption ;/Il doit vivre et dormir devant un miroir » (Charles Baudelaire, Mon cœur mis à nu, édition établie par Claude Pichois, Genève, Droz, 2001, p. 5 verso). Quiz Peau d'âne : Un quiz un peu dur sur ce magnifique film. Il fallait bien un écrin aussi féerique que le conte « sous hallucinogènes » de Jacques Demy pour célébrer les 50 ans de « Peau d’âne ». 1L’intérêt que Jacques Demy portait depuis longtemps à « Peau d’âne », le conte problématique de Charles Perrault dont le sujet est la relation incestueuse entre un père et sa fille, a été remarqué par les commentateurs. La préoccupation évidente de Demy pour la question de l’inceste dans son cinéma indique que ce pourrait bien être le cas. Il y a hélicoptère avec le roi et la fée. Elle collabore avec son architecte à la conception du hameau du Petit Trianon. Bohèmes et bo... Chapitre III. 60 Voir M. Thomas Inge, art. Le catalogue de la Bibliothèque nationale de France répertorie une version de 1808, mais la publicité de l’édition de 1838 affirme qu’elle a été « représentée pour la première fois à Paris en 1838 » (ibid., p. 599), indice selon lequel elle a pu faire l’objet de tournées préalables en province. Demy a explicitement commenté, dans un entretien, son désir de rendre hommage à Cocteau par le choix du comédien : « J’ai voulu ce clin d’œil à Cocteau […] car il a été le seul en France à toucher au cinéma fantastique. Cette scène brouille les distinctions entre narcissisme, voyeurisme et exhibitionnisme, car la princesse se regarde et regarde le prince, et se fait sciemment l’objet du regard du jeune homme82. 8, no 1, 1981, p. 99. Dans le conte de Perrault, lorsqu’elle regagne sa modeste maison, Peau d’âne revêt régulièrement les robes élégantes que lui a offertes son père. S’inspirant du récit original de Perrault, de la version apocryphe ou de versions publiées qui mêlent les deux traditions, Demy introduit également des allusions à des films de Jean Cocteau, principalement Le Sang d’un poète (1930), La Belle et la bête et Orphée. C’est l’auteur qui souligne. On peut le voir sur le site de l’INA (http://www.ina.fr/video/4223827001). de l’anglais par Dominique Jean, dans Œuvres, Paris, Gallimard, coll. 62 Steven Watts, The Magic Kingdom : Walt Disney and the American Way of Life, Columbia, University of Missouri, 1997, p. 326. stream « L’amour se porte autour du cou, le cœur est fou (…) Amour, amour, je t’aime tant ». 82 Richard Dyer analyse une stratégie semblable chez Jean Genet, où il devient difficile de distinguer narcissisme, voyeurisme et exhibitionnisme (voir R. Dyer, op. 31 Rousseau décrit ainsi les êtres humains antérieurs à la culture ou « sauvages » : « Il y avait des familles, mais il n’y avait point de nations ; il y avait des langues domestiques, mais il n’y avait point de langues populaires ; il y avait des mariages, mais il n’y avait point d’amour. Comme Cocteau avant lui, Demy associe la monstruosité et l’inceste à des formes non normatives de sexualité37. Le choix de Marais par Demy transforme cette relation hétérosexuelle problématique en toute autre chose : une relation queer. cité, p. 28). On peut voir dans le Peau d’âne de Demy une critique queer et féministe du conte de fées et de la culture de cour dont il est issu. 32Par ses références à son charme qui fonctionne « comme une pile » et à la poésie de l’avenir qu’elle offre au roi, la fée des Lilas symbolise la modernité. Selon Babuscio, le camp est une réaction de la sensibilité homosexuelle à la marginalisation socioculturelle et sexuelle. » Connu pour son utilisation de l’image de ses comédiens dans la « vraie vie », Demy exploite ici la renommée mondiale de l’actrice en lui attribuant le rôle de la princesse à la beauté exceptionnelle. Le chant de Peau d’Âne s’élève sous les arbres d’une forêt féerique. me, S/he, and the Boss », dans Pauline Greenhill et Diane Tye [dir. ». 3 0 obj cit., p. 242. (N.D.T.). Dans la scène où celle-ci est assise sur une balançoire, on la croirait tout droit sortie du tableau de Jean-Honoré Fragonard Les Hasards heureux de l’escarpolette (1767). La Blanche-Neige de Disney incarne la mère moderne, préoccupée non seulement par la propreté de son foyer, mais aussi par l’hygiène personnelle de ses « sept petits enfants », les nains63. 54La fée des Lilas et la princesse se délectent bel et bien de leur propre image, tout en s’évertuant à se faire objet du désir pour un Autre qu’elles désirent elles-mêmes (ou qu’elles désirent parce que le véritable objet du désir leur est interdit)83. Jacques Barchilon, éd. 73 Christine Jones, « The Poetics of Enchantment (1690-1715) », Marvels & Tales, vol. À l’instar de l’idéologie naissante de la domesticité en France, inséparable de la modernisation synonyme d’américanisation, la « doctrine Disney » valorisait « la famille nucléaire et ses rituels afférents : mariage, parentalité, éducation des émotions et de l’esprit, et consommation62 ». 56 Camille Taboulay, op. 68 C’est Mary Elizabeth Storer qui, la première, a identifié cette « vogue du conte de fées » dans Un épisode littéraire à la fin du XVIIe siècle : la mode des contes de fées (1685-1700), Paris, Champion, 1928. Il est impossible de parler du spectacle et des miroirs sans se pencher sur les différentes fonctions du regard. Par exemple, la princesse qui habite le château bleu de la fin du Moyen Âge s’habille selon les conventions du XVIIIe siècle, alors que le château rouge de la Renaissance abrite un prince vêtu à la mode du XVIe siècle54. » Toutefois, la juxtaposition de la princesse avec son double bestial dans le film de Demy, ainsi que l’incongruité de l’image de la princesse préparant un gâteau, vêtue d’une robe d’apparat, sophistiquée et encombrante, rend la scène assez ridicule, ou plutôt souligne les aspects que l’on peut déjà considérer comme camp dans le film de Disney, où la représentation de la domesticité est elle-même à la limite de la parodie. 4L’historique textuel, théâtral et cinématographique de ce conte laisserait penser que lire l’histoire d’un père incestueux était moins dérangeant que la voir représentée sur scène ou à l’écran. 71 J’ai montré ailleurs (voir Salonnières…, op. 37 À propos de la forme que prend la sexualité non normative chez Cocteau, Irène Eynat-Confino écrit : « C’est dans Le Livre blanc, antérieur de [six] ans à La Machine infernale, qu’apparaît explicitement le rapport entre une sexualité non normative et les stigmates de la monstruosité. Dans The Aristocrat as Art (1980), Domna Stanton met en évidence les affinités qui existent entre « l’honnête homme » de la cour de Louis XIV et le dandy plus rebelle de la France postrévolutionnaire qui, comme son prédécesseur des débuts de l’époque moderne, accordait de l’importance à la mise en scène et à la construction de l’identité individuelle. 17, no 1, 2003, p. 71. Dans le film de Cocteau, une forme d’amour transgressif (l’inceste) en remplace une autre (la bestialité). En bête des bois, Peau d’âne évoque le loup du « Petit Chaperon rouge », et c’est le prince, vêtu de rouge, qui en interprète le rôle titre. À ce niveau de signification, la Bête devient le signifiant même de la présence queer au sein du film, malgré l’hétérosexualité (pas tout à fait) conventionnelle dépeinte dans le dénouement dont Cocteau, on le sait, était mécontent35. Les larmes abîment et creusent le visage. Les « figures aristocratiques considérées comme objets esthétiques », notion des débuts de l’époque moderne, sont parfaitement illustrées par L’Enseigne de Gersaint (1720-1721), œuvre de Watteau. Son apparente « incongruité » aux yeux de la majeure partie de la société est purement une question de convention socioculturelle. Aspect intéressant, Demy brosse un tableau sympathique de Marie-Antoinette, alors même qu’il se montre très critique des abus de l’aristocratie dans Lady Oscar. Mais, contrairement à la version pour la scène dans laquelle princesse et fée sont châtiées pour leur coquetterie, Demy met en valeur leur talent artistique. Pourtant, comme l’indiquent clairement les vers extraits du film qui figurent en exergue de ce chapitre, Demy en fait aussi l’histoire d’une fille qui désire son père et voudrait l’épouser. Un enchaînement d’équivalences est ici en jeu dont la logique dominante est à peu près celle-ci : quand la femme est propre, la famille est propre. De plus, cette scène joue sur les représentations de la femme comme beauté éthérée, incarnée à la perfection par Catherine Deneuve en princesse, par opposition avec la représentation de la femme comme animal, figurée par le double de la princesse qu’est Peau d’âne. endobj 36Tant chez Cocteau que chez Demy, des dichotomies telles que nature/culture, passé/présent, animé/inanimé, humain/animal, humain/végétal et féminin/masculin sont problématisées grâce à ces juxtapositions incongrues. cit., p. 241). 43Dans une certaine mesure, Demy contextualise le conte de Perrault en incorporant à son film des éléments empruntés à l’époque de la société de cour de Louis XIV, avec la vogue du conte de fées des années 1690, qui en marque la naissance comme courant littéraire68. 43 Analysant l’inceste de Trois places pour le 26 du point de vue très différent de la culture administrative, Vivian Labrie interprète l’inceste comme figure des relations au travail et, de manière intéressante, relie son analyse aux contes populaires ayant ce thème (voir V. Labrie, « Help ! L’amour se porte autour du cou, le cœur est fou Quatre bras serrés qui s’enchaînent l’âme sereine ... Amour, Amour, je t’aime tant. Il est ici possible de comprendre le sens « conservateur » donné par Demy au château bleu comme signifiant « primitif », c’est-à-dire « au tout premier stade26 » de la société comme de l’individu et, en particulier, de la princesse qui doit encore surmonter son complexe d’Électra. « Amour amour je t’aime tant ! Peau d’Âne est dans la forêt. Demy joue en permanence avec les incongruités visuelles et temporelles afin de déconstruire l’intrigue hétéronormative et, tout simplement, de se délecter d’une esthétique faite de couleurs et d’images qui jurent entre elles. « Le film « Peau d’âne » enchante les générations depuis plusieurs décennies. 58 Charles Perrault, « Peau d’âne », op. Sur toutes les questions importantes, l’essentiel c’est le style, non la sincérité76. Par un simple coup de baguette magique, elles peuvent transformer une forêt en boudoir et une humble maisonnette en appartements princiers, et ainsi transcender les limites et les contraintes d’une réalité parfois rude afin de créer les accessoires et les contextes nécessaires à leurs mises en scène esthétiques. Avec la baguette magique, Peau d’Âne transforme la vieille table en jolie table. On relèvera toutefois que, dans La Belle et la Bête, Cocteau a donné au prince, double de la Bête, le nom d’Avenant, comme le personnage de « La Belle aux cheveux d’or » de Madame d’Aulnoy. Comme le conte de 1694, cette version apocryphe connut de nombreuses éditions, notamment au XIXe siècle, et fut adaptée à plusieurs reprises, en particulier dans l’Alphabet des contes de fées : Peau d’âne, publié en 1866, à la fin duquel la princesse demande pardon à son père incestueux pour s’être enfuie ! Comme la princesse de Peau d’âne, Marie-Antoinette reçoit trois robes extravagantes dont chacune est une merveille correspondant à un phénomène naturel : la première est baptisée « le battement du cœur impétueux », la deuxième « la première fleur du printemps » et la troisième « le chant silencieux du crépuscule ». ». 59, no 2, 2006, p. 40. À propos de Cocteau en particulier, Irène Eynat-Confino écrit : « Comme le montrent de manière récurrente les œuvres de Cocteau par leur utilisation du monstre comme trope ou être surnaturel concret […], [Cocteau] exprime ainsi l’épreuve qu’il partageait avec toutes les personnes dont la sexualité était non normative et condamnée comme telle par la société34. 46 Richard Dyer, Now You See It : Studies on Lesbian and Gay Film, New York, Routledge, 1990, p. 66. cité, p. 141). <>>> Chapitre III. 65 Je m’inspire ici de manière très générale du travail de Luce Irigaray. Jean-Pierre Berthomé relève que Demy « mettait en scène le conte de Perrault sur son théâtre de guignol, avec beaucoup d’autres de Perrault et de Grimm2 ». 25 Je m’appuie ici de manière générale sur l’œuvre de Claude Lévi-Strauss pour lequel la prohibition de l’inceste (telle que définie par des sociétés spécifiques) est au fondement de la « culture ». » Dans la version de 1863, la fée conseille ainsi Lilia, au même moment de la féerie : « Ma chère Lilia, retiens bien ceci : quelque chagrin qu’une femme éprouve, elle ne doit jamais négliger sa toilette… On se pare d’abord, et l’on pleure ensuite, et pas trop encore, rien ne ternissant l’éclat des yeux comme les larmes75. À l’image du dandy, les personnages féminins de Demy incarnent tout particulièrement, et avec complexité, l’intersection entre le narcissisme, l’exhibitionnisme et le voyeurisme. Thomas Inge note que Disney et ses collaborateurs ont ancré les personnages du film dans la culture américaine des années 1930 (voir T. Inge, art. Demy, Jacques (Réalisateur) Le conte de Charles Perrault, revu par Jacques Demy, en version restaurée 2014 ! Ces incongruités sont fondées sur des oppositions supposées, principalement entre masculin et féminin, mais aussi entre sacré et profane, esprit et chair, haut et bas, jeunesse et vieillesse48. Naturellement, seule leur fille égalant la reine en beauté, le roi demande la main de la princesse. C’est en souvenir de lui, de La Belle et la Bête que je voulais si fort Jean Marais28. Petite plume, Dis lui combien je l’aime, Montre lui que sans lui tout nés plus que amertume, Écrit lui se qui ne peut voir grâce a tes poème… Dessine lui se qu’il représente a mes yeux, Chuchote-lui avec tes mots doux, Tout l’amour que je lui porte comme je le veux, Il es mon petit […] Elle regarde le lit qui est en paille. Deezer : musique en streaming gratuite. Yves G -Coucou Cri cri d’amour, Tu vois je te réponds. Enfin, mon petit père, c’est la vie et on revient à ces deux mots de sagesse: inch Allah ! Dans la lignée de Cocteau, Demy juxtapose l’ancien et le moderne, juxtaposition qui trouve son apogée dans la conclusion du film lorsque la fée des Lilas emmène le roi sur les lieux de la noce en hélicoptère. Il contemple sa beauté et tombe amoureux d’elle, mais la princesse ne le voit pas ou, du moins, le lecteur n’en est pas certain. On peut même dire que, dans le film de Demy, l’apparence et le désir bestiaux de la princesse assignent à celle-ci le rôle de la Bête, tandis que le prince, par son association avec la rose, joue celui de la Belle. L’ironie, c’est que l’on pourrait dire que ce mélange du noble et du sale, de l’animal et de l’humain rend « impropre » (au sens de Beaver) cette scène de domesticité. Chez Capellani, de même que dans la féerie, le roi pleure dès qu’une situation le contrarie, comme quand sa fille refuse un prétendant. Par conséquent, ce qui réunit inceste et homosexualité selon Beaver, c’est leur subversion de la loi biblique (patriarcale, hétéronormative) et des catégories et oppositions qui sont le fondement de cette loi. Mais, dans la version de Perrault, il se réconcilie avec sa fille et se voit réintégré au sein de cet ordre. 57 Autre référence intertextuelle possible : dans La Belle au bois dormant de Disney, le rouge (associé au prince) et le bleu (associé à Aurore) sont aussi présents. 3Beaucoup de metteurs en scène français des débuts du cinéma se sont inspirés du music-hall pour imaginer les intrigues et les scènes qu’ils allaient porter à l’écran. Je ne me suis pas levé à 5h45, vu que je n’habite pas au bord de mer, et que je n’entends pas les dorades gazouiller ni les oiseaux jouer du violon, au le contraire, je ne sais plus …. Pour sa part, la princesse veut être aimée du prince, mais, comme le suggère le film, c’est son père qu’elle préfère, alors que ce dernier lui est interdit (par la fée, ironiquement). 72 Si de nombreux éléments permettent d’affirmer que Demy connaissait très bien les contes de Perrault et des frères Grimm, je n’ai trouvé aucun indice de sa connaissance des contes de Madame d’Aulnoy. En réalité, il transforme ce conte classique qui le fascinait depuis sa jeunesse en un vecteur d’interrogation des formes hétéronormatives de sexualité, dans la lignée des écrivains et des cinéastes homosexuels, au premier rang desquels Jean Cocteau, qui se sont servi de l’inceste comme trope destiné à explorer d’autres formes de sexualité. 52La scène où le prince voit la princesse pour la première fois en est peut-être la meilleure démonstration. » Le prince n’est qu’un substitut – imposé par une loi arbitraire – qui ne saurait remplacer pleinement l’objet originel du désir de la princesse : son père. La jeune femme demande le temps de se changer avant d’être présentée à la famille royale. 32 À certains égards, la valorisation de la « bête » chez Cocteau et Demy fait aussi penser à la nouvelle d’Angela Carter « The Tiger Bride », dans laquelle l’héroïne se transforme en bête, au lieu de la bête changée en prince, autre forme non normative de sexualité partagée par le héros et l’héroïne. « La Pléiade » 1996, p. 970. 69 L’auteur a ici recours à la notion de self-fashioning, que l’on doit à Stephen Greenblatt (voir Renaissance self-fashioning, Chicago, Chicago University Press, 1980). 11 Pour ces différentes versions de « Peau d’âne », voir « Tebaldo » [Thibaud] de Straparola et « The Bear » [L’Ourse] de Basile dans Jack Zipes (dir. » Je voudrais considérer le thème de l’inceste dans ce film selon un autre point de vue qui n’est pas sans rapport avec l’approche féministe de Le Gras. ), Camp : Queer Aesthetics and the Performing Subject, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2002 [1999], p. 54 ; et Oscar Wilde, « Formules et maximes à l’usage des jeunes gens », trad. De façon très semblable à la chambre de la Belle au château de la Bête, dans le film de Cocteau, celle de la princesse est recouverte de rosiers grimpants comme si la nature s’appropriait l’espace, et la figure d’un cerf se tient près de son lit. Mais son film muet de quinze minutes délaisse entièrement le thème de l’inceste en faisant demander la main de la princesse par un « fiancé ridicule » – un noble aux jambes affreusement arquées – à la place du père. Par auteurs, Par personnes citées, Par mots clés, Par géographique, Par dossiers. 8L’adaptation cinématographique dans laquelle Demy revisite « Peau d’âne » incorpore de nombreuses références intertextuelles qui déstabilisent le conte, lui-même dérangeant, de Perrault. Chez Straparola et Basile, le père incestueux est exclu de l’ordre sociopolitique, lequel est rétabli au terme du conte, par l’exécution ou par l’oubli. Wayne Andersen remarque que « [Sigmund] Freud a réuni un certain nombre de contes populaires dans lesquels argent et matières fécales sont équivalents » (W. V. Andersen, Freud, Leonardo da Vinci, and the Vulture’s Tail : A Refreshing Look at Lenardo’s Sexuality, New York, Other Press, 2001, p. 163). On pourrait en dire autant du désir queer. 61Dans un entretien donné à l’époque de la sortie de Peau d’âne, Demy affirme que la France « est un pays très fermé, très autocensuré, aux structures vieilles, où un film comme Trash de Paul Morrissey (assistant de Warhol) est finalement impensable. Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540. En réaction au chaos et à la diminution de la population provoqués par la Seconde Guerre mondiale, la politique familiale française a fait marche arrière sur la question des droits des femmes pour se concentrer sur « la constitution de familles nucléaires avec enfants, dans lesquelles le père travaille à l’extérieur et la mère se consacre au foyer16 ».

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